news:

TIPS: CONSULTEZ LES RUBRIQUES POUR NE RIEN PERDRE DE VOS THÈMES PRÉFÉRÉS !

MA PAGE FACEBOOK

dimanche 17 juin 2012

BONNE FÊTE PAPA

L’année dernière mon père a eu un accident cardiovasculaire (AVC). J’ai crû que j’allais le perdre. Et je prends aujourd’hui conscience du bonheur de l’avoir à mes côtés surtout quand j’apprends chaque jour que quelqu’un est mort à la suite d'un tel accident. Bonne fête Papa. 

Après son AVC, nous avons dû changer notre manière de vivre, tous. Environ deux mois à l’hôpital. Il nous a fallu aménager notre emploi du temps pour pouvoir prendre soin de lui, à cause des séquelles qui l’empêchaient d’être autonome. Mon père si fier, si vif, tellement indépendant. Le choc a été grave, pour nous tous. Des choses élémentaires, comme avaler la nourriture, il ne savait plus les faire. Le réflexe de la déglutition avait disparu. Il ne pouvait plus parler non plus. 

Mon père n'a jamais eu peur de la mort. Il nous disait souvent qu’il ne voulait pas vivre trop vieux, au point de devenir un fardeau pour nous. « A quoi ça sert de vivre, aveugle, sourd peut-être incapable de me déplacer seul. Je préfère que Dieu me rappelle. J’ai mené une vie pauvre certes, mais heureuse, et mes enfants m’ont rendu fiers ». Nous lui interdisions bien-sûr de parler ainsi.



Après l’accident, il a commencé à se laisser mourir. Il refusait toute marque d’affection et d’attention. Il voulait s’occuper de lui tout seul. Il en était incapable. Frustré, il finissait par nous donner encore plus de travail. 

Nous nous entendions bien avec notre père. Il n’était pas rare de nous voir dédaigner les fauteuils pour nous asseoir sur ses jambes, mes grandes sœurs et moi. Le couvrir de bisous après l’avoir immobilisé, quand il clamait pour plaisanter que même avec un bras, il pouvait nous tenir en respect toutes les trois réunies. Mon problème avec mon père a toujours été le travail. Je n’aimais pas étudier mes leçons. Les gens me voient aujourd’hui comme une « bosseuse ». Mon application au travail n’est née que très récemment. Et mon père était bien conscient de ma fainéantise. 
« Et revoilà le clown qui passe son temps à amuser la galerie ».  Il n’était pas méchant, il savait juste que je me contentais de peu, et qu’il y avait en moi un potentiel formidable qu’il refusait que je gaspille, et il parlait par expérience. 

Mon père avait une maxime «Un élève ne finit jamais d’étudier. Il faut travailler, toujours travailler. Vous vous reposerez quand vous serez morts». Et tout cela me faisait rire. Je ne lui ai jamais caché mes notes. Les bonnes comme les mauvaises. J’avais une manière bien spéciale de les lui présenter. 

« -Papa, on nous a rendu les feuilles d’un devoir de physique. C’était catastrophique. Le devoir était trop difficile. Et puis le professeur même n’est pas gentil. 
-Quelle est ta note ? 
-Attends Papa ! Il y a eu des 2, des 3, même des 0!
-Quelle est ta note ? 
-La plus forte note était 13, tu t’imagines ! 
-Les autres ne m’intéressent pas ! Quelle est ta note? 
-Moi j’ai eu 9. Mais je t’assure qu’après mon 9 on tombe directement à 4. Ce devoir là était dur. 
-Et tu as le courage de t’asseoir pour manger » 

Ça c’était un autre principe de mon père, celui qui travaille mal ne doit pas manger. Jamais il ne me privait de nourriture. Il estimait que c’était une question de conscience « scolaire ». Les mauvaises notes devaient me couper l’appétit. Je devais réfléchir à ce qui n’avait pas marché, à ma vie et à l’opprobre que je jetais sur notre nom de famille (un nom de famille soit dit en passant, totalement inconnu, mais mon père était fier.) . 

Quand après le bac je me suis inscrite en grande école, j’ai commencé à avoir des notes extraordinaires, en gardant mon même rythme de travail, c’est-à-dire quasiment aucun. Toujours la meilleure avec de très bonnes moyennes mon père s’en arrachait les cheveux. 
« Quelle est cette école où on donne les notes par complaisance ? Toi 20/20 mais tu ne travailles jamais ! » 
 « Quoi, toi, première de ta classe ? Tout le monde est stupide dans ta classe ou quoi pour que toi sans aucun effort tu les majores tous » 

Non tout le monde n’était pas stupide. Je suivais les cours attentivement parce que je n’avais pas beaucoup d’amis en classe (à cause de mon refus de montrer aux autres pendant les devoirs). Ainsi à la maison je pouvais assurer ma fonction permanente de « clown ». 

Après l’accident mon père a changé. Toujours triste, toujours en colère, pas contre nous, mais à cause de sa propre incapacité. Il nous donnait du travail, et ne pouvait contribuer aux nombreuses dépenses que nécessitait son mal. Aujourd’hui, pratiquement un an après, ça va bien mieux. Nous avons trouvé un équilibre. Il est beaucoup plus autonome et heureux. Il recommence à parler. Et parfois, on a presque l’impression que jamais, le malheur n'est venu frapper à notre porte. Notre famille est encore plus soudée et les liens qui nous unissaient plus forts que jamais.

 Bonne fête à toi Papa ! Je t'aime de tout mon coeur! Que Dieu t’accorde de nombreuses années.

12 commentaires:

  1. j'ai les larmes au yeux ,bonne fete a ton papa

    RépondreSupprimer
  2. Transmettez lui les amitiés d'un père qui lui envie l'éternité acquise grâce au blog de Yheni DJIDJI

    RépondreSupprimer
  3. Ah oui les études, c'est important pour lui! Quand, j'étais au lycée technique d'Abidjan, si j'avais le malheur de lui poser une question de mathématique sur la résolution d'un problème quelconque, nous passions toute la nuit à le résoudre. C'est un passionné des mathématique. Il faut le dire, il est ingénieur statistien. Bonne fête papa. Je t'envoie de gros bisous d'Ottawa (Canada).
    Chimène

    RépondreSupprimer
  4. danielle Manda17 juin 2012 à 11:26

    le plus bel article ke tu ais jamais ecrit! bonne fete à ton papa... ke Dieu lui accorde une longue vie

    RépondreSupprimer
  5. Vraiment que nos pères soient fières de nous, vraiment

    RépondreSupprimer
  6. Excellent et très interressant

    RépondreSupprimer
  7. Merci d'avoir parler de ce nouveau fléau qui s'abbat sur nous (un fléau par les conséquences si importantes pour les familles) qui est malheureusement (ignoré par le grand public) et oui!mais des voix s'élèvent sur le continent pour en faire la prévention.
    Merci aussi pour le courage qu'il t'a fallu pour dévoiler une histoire aussi intime (pudeur africaine) Prompt rétablissement à ton papa.
    Bisous

    RépondreSupprimer
  8. les mots me manquent...bravo pr ta maturité et ton intelligence! tu as reussi à raconter une histoire de famille avec pudeur, emotion et simplicité!

    RépondreSupprimer
  9. Saisissant, je me retrouve et je ne dois pas être la seule!! Merci pour ces instants de pur bonheur!!

    RépondreSupprimer
  10. Magnifique, ton père peut etre fière de toi. Ce que j'ai véritablement aimé c'est que tu as raconté les faits tels qu'ils se sont passés surtout avec les mauvaises notes en classe. ça aurait été d'autres on aurait eu droit à des "j'avais tjrs des 20...". Chapeau

    RépondreSupprimer
  11. Très émouvant comme texte !

    RépondreSupprimer

TRADUIRE LE BLOG DE YEHNI DJIDJI

MA PAGE FACEBOOK